Notre expert
Jean-Christophe Debande a le titre de cadre dirigeant, ESCP Europe, est titulaire d'un DEA en droit social et d'un DESS RH et droit social. Il est également coach certifié HEC. Il enseigne le droit du travail et les relations sociales (Essec, ESCP-Europe, HEAD, Paris 1 Sorbonne, Paris 2 Assas). Directeur de projets chez Entreprise&Personnel, il accompagne de nombreuses entreprises dans des missions RH. Il a été précédemment DRH dans plusieurs grandes organisations.
La question est presque aussi ancienne que l’avènement de la fonction RH elle-même. Son positionnement en tant que fonction stratégique a toujours fait débat. Mais la vraie question à se poser n’est-elle pas plutôt celle de savoir si cette fonction RH, comme d’autres fonctions supports, peut être un levier de performance pour l’entreprise ?
Au-delà des discours incantatoires du type « il n’est de richesse que d’hommes » les ressources humaines restent encore bien souvent la première variable d’ajustement dans une logique court-termisme. Alors, qu’est-ce qui rend si difficile le passage du discours à la réalité ? Pour être davantage crédibles, les fonctions RH doivent se confronter davantage à cinq enjeux :
1/ Renforcer leur culture économique
C’est aux acteurs RH de maitriser le langage économique et financier des dirigeants d’entreprise, et non l’inverse, pour être entendus. A défaut, ils passeront vite pour de gentils originaux déconnectés de la réalité du monde des affaires.
La culture économique est aussi celle qui prédomine dans les débats en comité de direction. Aussi, quand le DRH a la chance d’y participer, ce qui n’est pas le cas partout, encore faut-il qu’il soit en capacité de s’intégrer à ses échanges en partageant le même langage et d’être source de valeur ajoutée.
Cela ne veut pas dire renier ses valeurs et son éthique : elles resteront des fils conducteurs déterminant dans une conduite intègre des projets de l’entreprise.
2/ Maintenir le lien social
Depuis 20 ans les fonctions RH subissent une volonté de rationalisation parfois excessive qui s’est traduite par une recherche tous azimuts de réduction de ses effectifs. Le développement des CSP (centres de services partagés) souvent externalisés à l’étranger, y a grandement contribué.
Cette évolution, aujourd’hui questionnée, a éloigné la sphère RH des salariés qu’elle était supposée accompagner. Il est impératif de replacer dans les organisations des acteurs RH dits de proximité qui sont les seuls à pouvoir tisser un lien social au plus prés du terrain. Il ne s’agit pas d’une posture de confort. Seul ce lien permet réellement d’accompagner le développement des individus, d’être en alerte sur certains risques… et ainsi d’être source d’une meilleure performance et du bien-être du corps social.
3/ Penser fracture numérique
Oui la vague digitale est là… mais elle ne concernera pas tous les salariés. C’est ce que Jean-Emmanuel Ray appelle la coexistence dans une même entreprise de Ford et Facebook.
Il faut donc bien sûr accompagner et former tous ceux dont les métiers sont transformés par le numérique. Mais sous peine de créer une fracture dans l’entreprise, il faut aussi penser à la façon d'« embarquer » dans cette mutation de la société ceux qui sont encore à ce stade des laissés pour compte.
Le digital fait évoluer beaucoup de dimensions : le travail lui-même, les relations professionnelles, la santé au travail et l’émergence de nouveaux risques,… Il y a là un enjeu d’appropriation de la conduite du changement dont les acteurs RH peuvent s'emparer avant que d’autres ne le fassent.
4/ Réussir à reprendre en marche le train de l’organisation
La question de l’organisation est déterminante à la fois dans la recherche de plus d’efficience mais aussi pour la santé au travail. Toutes les études en ce domaine attestent combien des organisations mal pensées peuvent être pathogènes et sources de risques psychosociaux.
Or les DRH ont un peu déserté le champ de l’organisation confié à d’autres spécialistes, ou directement aux fonctions opérationnelles, en se limitant souvent à la production des organigrammes. Or si la carte n’est pas le territoire, l’organigramme n’est pas l’organisation…
5/ Avancer de façon inclusive
L’entreprise ne peut se passer d’une convergence de toutes les énergies utiles à sa réussite.
En interne, cela passe par une tentative de réconciliation entre les différents contrats (CDI, CDD, alternants,…) souvent gérés dans des logiques en silos qui accentuent chez les intéressés des vécus différenciés de l’entreprise. Cela concerne également le développement d’une multiplicité de statuts. L’entreprise travaille avec toute une série de parties prenantes dont la relation ne repose pas nécessairement sur un contrat de travail : prestataires, autoentrepreneurs,… De cette diversité doivent naître de nouvelles interactions et une nouvelle richesse.
La recherche d’inclusion doit également porter sur les acteurs externes à l’entreprise qui ne peut plus se considérer comme indépendante de son environnement. Cette dimension est à articuler avec la dimension de responsabilité sociale ou sociétale que beaucoup d’organisation cherchent à développer. Les débats actuels sur la définition de l’objet même de l’entreprise attestent qu’elle ne peut plus être perçue comme un simple agent économique : elle est aussi un lieu intégration, d’insertion, d’éducation, de développement,…
Par Jean-Christophe Debande, auteur de Ressources humaines, dans la nouvelle collection de guides professionnels PRO EN..., paru aux éditions Vuibert le 30 janvier 2018 en librairie, 26,40€.